Lundi 25 octobre - Quelque part au milieu de l’Atlantique
Nous descendons encore en latitude, il fait de plus en plus chaud: la température de la mer est autour de 30°C et nous transpirons beaucoup. Nous souffrons un peu sous la chaleur des tropiques et les nuits sont très longues dans nos bannettes étriquées. Les quarts deviennent un vrai moment de bonheur où l’on peut se rafraîchir au milieu des nuits étouffantes !
Ce matin, lors du prélèvement, il y avait très peu de courant. La bouée Hypatia, équipée de capteurs qui permettent de prendre des mesures physiques, a été mise à l’eau. Mais comme aucun courant ne la faisant dériver, elle est venue se bloquer sous le bateau: impossible de la récupérer en tirant dessus ! C’est le capitaine qui s’est dévoué et qui s’est jeté à l’eau pour la débloquer. La température de l’eau frisait les 30°C, nous l’avons tous envié pour ce petit plouf improvisé... La bouée Hypatia a pas mal résisté mais finalement elle a pu être récupérée! Heureusement le reste du protocole s’est déroulé sans encombres.
Nous arrivons un peu sur les fins de réserves du frais. Avec la chaleur les fruits et légumes se conservent moins bien : aujourd’hui c’était les dernières tomates et le dernier chou rouge. Jeudi nous finirons les fruits frais : les dernières pommes (après avoir successivement terminé le raisin puis les bananes et les poires). Nous passerons ensuite aux fruits séchés : figues, dates, etc... avant de recharger des provisions lors de l’escale.
Mardi 26 octobre
La mer commence à s’agiter, et les apprentis marins que nous sommes se sont laissés surprendre par les vagues. Les fenêtres étaient restées ouvertes pour aérer les cabines cette nuit et avoir de l'air frais. Nous dormions profondément lorsqu’une vague s’est infiltrée dans la cabine de Margot et Lana! Si Lana a été plus ou moins épargnée, ça n’a pas été le cas de la bannette de Margot qui a été trempée: en pleine nuit il a fallu enlever la couette, retirer et étendre le drap… une leçon qui servira pour les nuits suivantes: les fenêtres resteront hermétiquement fermées malgré les hautes températures...
A ce moment-là, il y avait aussi Olivier sur le pont qui aidait le capitaine pour une manœuvre. Il s’est pris de plein fouet la même vague que Margot: ses affaires sont restées à sécher toute la journée du lendemain !
Mercredi 27 octobre
La houle s’est beaucoup levée, le vent nous fait pencher en permanence sur tribord, c’est un vrai jeu d’équilibriste pour rester à bord (d’ailleurs de la sauce s’échappe de temps en temps des assiettes lors des repas). Certains d’entre nous se sont sentis un peu nauséeux. Il faut dire que jusqu’à présent, nous avons eu des conditions vraiment superbes pour naviguer !
La journée a été un peu longue. On ne peut pas beaucoup travailler sur les ordinateurs (où se trouve notre bibliographie à lire) car l’énergie est limitée. Nous avons de plus très peu de réseau donc impossible de surfer sur internet. Il n’est pas possible non plus d’aller sur le pont à cause des vagues qui viennent tremper fréquemment le pont et ceux qui s’y trouvent.
Nous prenons notre mal en patience en lisant, en écoutant de la musique et en jouant à des jeux de société: nous commençons à compter les semaines avant notre arrivée en escale. Nous commençons déjà à rêver de ce que nous ferons à Ushuaia: ce sera notre escale technique qui nous permettra de réajuster et de retester divers protocoles, de recevoir du matériel scientifique supplémentaire, mais elle nous permettra aussi de faire une pause sur la terre ferme et de rencontrer de nouvelles personnes après avoir passé 6 semaines entre nous ! Nous rêvons de certains plats ou d’un petit verre en terrasse. On est aussi impatients de pouvoir flâner et de découvrir la ville !
Jeudi 28 octobre
Cela fait longtemps que nous attendions ce moment: aujourd’hui nous passons ENFIN l’équateur ! C’est un grand moment dans le milieu des marins, et c’est un grand moment pour nous aussi : après 3 ans de travail nous passons enfin à la voile dans l’hémisphère sud. La tradition veut que l’on fasse une offrande à la mer lorsque l’on passe l’équateur. Normalement c’est une boisson alcoolisée. Faute de mieux, nous avons sorti les calissons d’Aix-en-Provence ramenés par Baptiste: tout le monde a donné un petit bout de son calisson à la mer et le reste a vite été avalé !
La houle était trop importante aujourd’hui pour que la Go-flo puisse être mise à l’eau : seul le filet pour récolter les microplastiques a pu aller à la mer.
Malheureusement Olivier a fait une mauvaise pêche : il s’est retrouvé avec plein de petits amas gélatineux pris dans les filets. Ces amas semblaient vivants puisqu'on voyait du mouvement, comme des battements… Impossible pour nous de déterminer ce que c’était, ils ont été remis à l’eau, mais l’épisode a valu à Olivier de devoir brosser à la brosse à dent son filet pendant plus d’une heure !
Vendredi 29 octobre
Lors des quarts de la nuit de jeudi à vendredi, la lune est magnifique et les étoiles sont très visibles dans le ciel. Nous avons chacun les yeux rivés sur le firmament, c'est comme cela que Lana aperçoit des grandes ombres noires tournoyant au-dessus du bateau. Nous distinguons au lever du jour 4 fous de bassan qui tournent autour du bateau en essayant d’attraper des poissons volants.
Nous recommençons à prélever avec les protocoles revus, pour lesquels l’ordre des manipulations a été changé pour les optimiser. L’optimisation permet de limiter le temps pendant lequel on arrête le bateau et la consommation d’énergie. Margot, quant à elle, poursuit son travail de sociologue et ses entretiens avec les différents membres de l'équipe en compagnie de Jojo le manchot.
Nous changeons aussi la carte de navigation affichée dans le carré et Baptiste y fait un petit bateau en papier que nous allons pouvoir déplacer au fil de notre avancée. Cette nouvelle carte va pouvoir servir jusqu’en Antarctique !
Samedi 30 octobre
Nous approchons enfin des côtes du Brésil (même si nous sommes encore bien trop loin pour voir la terre). C’est une journée désormais habituelle: prélèvements, travail, lecture, … Nous savourons le midi et le soir un nouveau poisson pêché par Dédé: une sorte de thon, cuit le midi dans une marinade de citron et en steak le soir avec une superbe sauce au beurre.
Les oiseaux sont de plus en plus visibles, tournent encore davantage autour du bateau. Certains essaient même de se poser tant bien que mal quelque part pour se reposer mais ils ne sont pas tous très habiles (certains se font éjecter du haut des voiles au premier coup de vent, d’autres se prennent les pattes dans la balise de détresse qu’il faut alors remonter et replacer sur son support).
Dimanche 31 octobre
Journée haute en couleur ! C’est un grand jour: aujourd’hui nous sommes plus près de l’Antarctique que de Marseille ! Nous avons fait la moitié du trajet.
Le ciel se charge et la mer se lève. C’était encore une nuit difficile, avec pas mal de gîte et un vent qui évoluait souvent, obligeant les marins à de multiples manœuvres. Nous sentons qu’on se rapproche des côtes et des routes plus empruntées: après n’avoir croisé personne (de vue comme au radar), il commence à y avoir du monde et ce dès le petit matin. Nous avons évité un accident avec le bateau d'un pêcheur qui s’était vraisemblablement endormi à sa barre, AIS (le système de détection automatique de navires) éteint donc invisible jusqu’à ce qu’il apparaisse à deux vagues de nous. Heureusement, il s’est réveillé juste à temps pour remettre les gaz et nous éviter! Dans la journée, nous avons croisé plusieurs pétroliers, tous plus gros les uns que les autres. Après les prélèvements de la fin de matinée et le traditionnel pot du dimanche, nous passons l’après-midi à des occupations diverses (jeux, lecture mais aussi réparation du la bouée BooPy confiée par Argonautica que nous allons bientôt larguer dans l’océan). La fin de journée est consacrée à écrire des mails à nos familles et amis. On pense à vous depuis notre navire !
Lana et Clément
[Devinette de la semaine]
Quel objet du bateau peut bien faire ce son ?
Réponse à la devinette de la semaine dernière:
Il s'agissait de sargasses. Les sargasses sont des algues qui poussent au milieu de nulle part dans des zones riches en nutriments (c’est le cas de la ZCIT -zone de convergence intertropicale- qui est un upwelling : de l’eau des profondeurs remonte vers la surface et y apporte des nutriments). Elles se développent sous forme d’amas qui peuvent se décomposer. On voit alors dériver des petits bouts de quelques centimètres comme des plus grandes plaques de plusieurs mètres carrés. Mais leur développement peut aussi se faire sous la forme de très grandes lentilles d’une superficie bien plus grande et qui s’étendent alors aussi sur quelques mètres en profondeur. Les quelques petites plaques ont déjà bien encrassé notre moteur de notre bateau (il faut le faire tourner à l’envers puis à l’endroit assez régulièrement pour chasser les algues qui se prennent dans la cage de l’hélice et réduisent notre vitesse).
Comments