Samedi 11 décembre: départ d’Ushuaia
Nous quittons le port d’Ushuaïa avec deux jours de retard, direction l’Antarctique ! Nous entrons dans le canal Beagle, la mer est plate. Nous croisons en route deux baleines dont nous pouvons apercevoir la queue sortir de l’eau. Nous repassons par les paysages qui nous conduisaient deux semaines plus tôt à Ushuaïa après 50 jours de navigation. La neige a bien fondu en quelques jours. On sent que l’été, bien qu’austral, est en train d’arriver.
Les paysages défilent, la faune aviaire aussi : Baptiste a acheté à Ushuaïa un petit guide pour essayer de reconnaître les oiseaux. Nous rencontrons donc des prions de la désolation, des sternes couronnées, des albatros et des puffins.
David, guide de haute montagne qui nous a rejoint à Ushuaïa pour nous aider une fois à terre en Antarctique est gâté pour son premier jour de navigation : le temps est splendide, la mer est plate et la vie foisonnante.
Nous gagnons un site de mouillage où nous passerons la nuit. L’objectif est de repartir dès le lendemain matin pour pouvoir naviguer dans un passage un peu difficile de jour. Ainsi, personne ne devra naviguer cette nuit et nous économiserons nos forces pour la suite du périple.
Dimanche 12 décembre
Notre mouillage est magnifique : forêts denses, îles sauvages. C’est là que David tient à mettre à l’épreuve notre capacité à monter, redescendre sur corde, s’assurer les uns les autres. C’est un point de sécurité essentiel avant de rejoindre l’Antarctique : on ne sait jamais quelle sera la configuration des sites sur lesquels nous serons amenés à débarquer et à embarquer sur le bateau. Par exemple, si le vent venait à changer, et que nous soyons alors amenés à escalader une colline pour reprendre l’annexe à un autre endroit plus abrité, surtout après plusieurs heures passées sur le terrain. Il faut donc être un minimum entraîné.
Nous descendons d’abord sur une plage facile d’accès, juste pour tester la descente à terre. Comme nous sommes six, nous devons faire au moins deux rotations d’annexe.
Puis nous nous testons sur une descente un peu plus ardue, composée de roches et de falaises à flanc. C’est sur cette petite parcelle que David installe les cordes : l’une pour nous tester sur la remontée sur corde, les autres pour la redescente en rappel. C’est un atelier auquel on participe bien volontiers, nous qui n’avons fait que de la navigation ces derniers temps. Nous sommes bien heureux de nous retrouver à arpenter un bout de terre ferme!
Après ce petit exercice, nous quittons notre mouillage : nous nous rapprochons un peu plus de la traversée du passage de Drake. Nous atteignons notre deuxième mouillage, sur l’île Lenox, un saut de puce intermédiaire avant de savoir si nous pourrons nous engager directement dans le passage dangereux le lendemain ou s’il nous faudra attendre davantage. En effet, la météo est très changeante dans ces hautes latitudes.
Le bulletin météo tombe, nous remettons les gazs pour atteindre un troisième mouillage, dans les îles du Cap Horn où nous passerons deux nuits à attendre que la météo soit plus clémente pour notre traversée du passage de Drake.
Lundi 13, mardi 14, mercredi 15 décembre
Lundi, Mardi et Mercredi passent lentement, nous avons hâte de lever l’ancre pour rejoindre notre destination finale !
En attendant, nous nous préparons : l’annexe est remontée sur le pont, les affaires sont soigneusement rangées, et nous organisons la logistique de nos descentes à terre. Liste du matériel scientifique, liste de l’équipement technique (et affaires de rechange au cas où on se mouillerait lors de la descente ou sur le terrain), chronologie et rotation des membres à descendre à terre pour agencer au mieux les différents protocoles…
Jeudi 16 décembre
Jeudi matin tout le matériel est doublement sanglé ; le passage de Drake est réputé mouvementé. Il nous faut faire bien attention aux affaires qui pourraient tomber et voler pendant la traversée. Nous remettons aussi les toiles anti-rouli de nos bannettes, ça faisait bien longtemps que nous n’en avions pas eu besoin… L’ancre est remontée et les voiles sont hissées dans l’après-midi. Une fenêtre de météo favorable nous permet de quitter notre abri et de s’engager dans le passage de Drake : cap sur l’île du roi Georges !
Vendredi 17 et Samedi 18 décembre
Nous traversons le passage de Drake avec une météo radieuse, ce qui est un peu inattendu. Le vent nous porte dans la bonne direction, la mer qui se lève peu à peu est bien orientée. Le bateau file sur l’eau à grande vitesse dans ces conditions plus que propices. Une sacrée chance dans cette zone de navigation qui est connue pour être une des plus difficiles au monde. Nous serons finalement moins secoués que dans l’Atlantique sud, ce qui nous permet de continuer à travailler les préparatifs de nos débarquements de l’autre côté du 60ème parallèle. Nous reprenons les sites un à un pour éplucher les plans de gestion qui indiquent les lieux propices de débarquement et les règles à respecter pour minimiser notre impact sur chacun des écosystèmes. Nous commençons aussi à prioriser : nous ne pourrons pas visiter l’ensemble des baies peuplées par les manchots dans les quelques semaines que nous passerons sur place, il faut donc faire des choix. Nous discutons pour trouver des configurations qui soient les plus intéressantes pour les différentes études (biologie des manchots, microplastiques et contaminants organiques, biogéochimie et microbiologie) et qui ne soient pas trop compliquées d’accès.
Nous reprenons aussi le rythme des quarts pendant cette traversée pour rester à veiller la nuit aux côtés des marins. Enfin… on ne peut plus vraiment parler de nuit, car il fait désormais jour presque 24h/24 : les couchers de soleil semblent interminables et s’étendent en une lueur pendant quelques heures avant que le soleil ne se relève de plus belle à l’Est. Nous essayons de dormir lorsque nous ne sommes pas dans le cockpit, mais la luminosité ambiante n’aide pas. Les volets dans les cabines font tout de même leurs preuves et nous assurent quelques heures de sommeil.
En route, nous croisons quelques oiseaux et une baleine à bosse. Il nous semble même apercevoir son baleineau! La température de l’eau comme de l’air descend progressivement pour approcher les 0°C. L’eau de mer ne gèle pas car elle est salée, elle gèle donc à moins de 0°C mais nous gardons l’œil ouvert au cas où de la glace de mer serait à la dérive.
Dimanche 19 décembre
Nous arrivons dans la matinée au large de l’île du roi Georges. Le vent qui s’engouffre entre les îlots rend la navigation compliquée et les marins vont passer plusieurs heures sur le pont à trouver un point de mouillage où l’ancre permettra de se stabiliser pour attendre que le vent tombe. Le drone de Lana ne peut pas voler si le vent souffle trop fort. Il faut donc attendre que tout cela se calme pour envisager une première descente à terre.
On passe pendant ce temps le long de plusieurs bases scientifiques du Chili, de l’Uruguay, de la Chine et on croise divers navires militaires comme civils qui ravitaillent les bases ou qui sont simplement de passage. Le paysage est à couper le souffle ! Nous voyons nos premiers manchots antarctiques, aussi bien sur des plages que dans l’eau, de majestueux glaciers aux dimensions impressionnantes faisant face à des reliefs rocailleux escarpés.
Il nous reste à réorganiser le bateau pour passer en configuration Antarctique : il faut repasser l’annexe à l’arrière pour qu’elle soit à disposition, sortir l’ensemble du matériel de prélèvement des rangements où il était arrimé, préparer les sacs et boîtes pour les descentes à terre et les prélèvements depuis l’annexe. Tout le monde prépare son matériel pour les prélèvements à terre, nous avons hâte !
[Devinette de la semaine]
L'équipe en mer nous a envoyé un nouveau son à découvrir cette semaine.
À votre avis, qui est-ce...? :)
Réponse à la devinette de la semaine 8:
Vous aviez peut-être reconnu le nom d'un célèbre plat d'Amérique latine... Il s'agissait d'un podcast sur l'histoire des empanadas sur Radio Nacional. Vous pouvez le retrouver en entier en suivant ce lien:
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